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Peut-on vraiment se soigner par la forêt ? Voici les nombreux bienfaits d’un bain de nature

Catherine ERNENS

https://www.moustique.be/actu/sante/2023/04/13/peut-on-vraiment-se-soigner-par-la-foret-voici-les-nombreux-bienfaits-dun-bain-de-nature-260117

Ses bienfaits sur notre santé sont innombrables. Les Japonais en ont tiré une médecine préventive. En Europe, on commence à le mesurer scientifiquement.

Un bourgeon a émergé. Il y a même des chatons. Un arbuste en fleurs se déploie au milieu des colonnes de troncs d’arbres. C’est une ode à la renaissance, les oiseaux chantent le retour du printemps.

Nolwenn Lecuyer, coach en forêt qui fait partie de la Fédération des guides et praticiens en sylvothérapie “En chemin vers” foule à petits pas le sol de la forêt de Soignes. Cette ingénieure agronome, experte dans les sciences des sols, a rassemblé une large documentation sur les bienfaits des forêts sur la santé. Cette science a été explorée au départ au Japon, une des dernières sociétés animistes qui croit aux “esprits de la forêt”. “Les forêts sont des lieux ressource depuis toujours. Elles peuvent nous aider à traverser des moments difficiles. On a démontré qu’y jouer enfant, particulièrement vers 10-11 ans, rend écoresponsable. Mais aujourd’hui, les parents préfèrent souvent la sécurité des plaines de jeux. On crée une génération d’amnésique de la nature. Pourtant, même les troubles de l’attention peuvent être améliorés en allant dehors.

Antidépresseur naturel

Les sorties en forêt renforcent nos systèmes immunitaires, permettent de lutter contre le stress, calment le pouls, un atout pour les personnes qui ont une fragilité cardiaque, améliorent la mémoire et la concentration en stoppant les ruminations mentales. Ce serait même un antidépresseur naturel, d’ailleurs reconnu depuis le 19e siècle. Un scientifique japonais a ainsi montré que le taux de cellules NK (cellules tueuses) était plus important chez un groupe de personnes qui s’était promené en forêt qu’un autre qui s’était promené en ville. “La forêt permet aux défenses de se renforcer. Bien entendu, on ne soigne pas un cancer en forêt mais cela contribue à aller mieux. En forêt, on bénéficie d’huiles essentielles excellentes pour notre santé ainsi que de bonnes bactéries qui sont dans les sols.” L’odeur de l’humus charrierait ainsi carrément une sorte de bactérie du bonheur.

L’idée est de rentrer dans le temps long de la nature, dans le temps de l’émerveillement.

Mais les bienfaits de la forêt se déploient lorsqu’on l’aborde d’une certaine manière. Bien entendu, faire un jogging ou une sortie en VTT est bénéfique. Mais tous nos sens – qui seraient plus nombreux qu’on ne le croit, au nombre de onze – ne s’éveilleraient qu’au rythme d’une marche lente, avec une attention à la respiration, en silence, dans une attitude d’écoute. C’est ce que propose Nolwenn Lecuyer, appliquant la méthode japonaise du Shinrin-Yoku, une médecine préventive naturelle.On a traduit ça par l’idée de bains de forêt mais c’est une mauvaise traduction. La lenteur est une clé. On est dans une société du faire alors que l’idée est d’être.” Notre coach bat en brèche le concept répandu – et tellement cliché – que la sylvothérapie consiste à embrasser des arbres. “C’est tellement réducteur. L’idée ici est de rentrer dans le temps long, dans le temps de l’émerveillement, parce que la nature est dans le temps long. Parce que la nature touche à plus grand que soi.

Formidable détox digitale

Vraiment ? Laurent Moor, consultant fatigue au CHU de Liège et à Érasme, emmène régulièrement ses patients en forêt. Mais il se montre plus prudent sur les preuves purement scientifiques des vertus “médicamenteuses” de ces sorties. “Des études ont été menées au niveau européen au sein du collectif des 39 qui ont abouti à des corrélations positives mais pas forcément à des preuves.” Comme bénéfices, Laurent Moor énumère de son côté : une absorption de vitamines D qu’on ne peut pas prendre en cachet, un renforcement du système immunitaire grâce à une diminution du cortisol (l’hormone du stress), des effets sur les personnes souffrant de dépression. Plus la biodiversité est grande, plus l’impact est positif. Et puis, les forêts offrent une formidable détox digitale et un nettoyage de l’esprit. Je constate aussi sur le terrain que cela augmente les capacités cognitives des gens. Mais je reste prudent.La forêt n’est par ailleurs pas sans risques comme celui de contracter la maladie de Lyme ou de développer des allergies quand on a un terrain qui s’y prête. On évitera aussi les terrains dénivelés en cas de problèmes articulaires, par exemple.

Dans le même ordre d’idées, la zoothérapie – dont l’hippothérapie – ainsi que l’hortithérapie (l’aménagement de petits jardins) donnent également de beaux résultats. “En fait, il est difficile de faire la part des choses entre les bénéfices apportés par le fait d’être pris en charge par une personne, la remise en mouvement, la rencontre avec d’autres personnes et les bienfaits directs de la thérapie par la forêt. Des études restent à mener pour évaluer si les forêts restaurent vraiment les ressources”, relativise Laurent Moor. “Mais les forêts sont réellement des havres de paix. Nous sommes des animaux qui avons besoin de renouer avec nos ancrages profonds.” La forêt n’est toutefois pas un lieu où chacun se sent réellement en sécurité. Cela dépend de nos expériences d’enfance et de l’imaginaire qu’on en a souvent inconsciemment, qui peut être aussi celui d’un lieu peuplé de brigands et de sorcières comme au Moyen Âge.

Il n’empêche, nombreux sont ceux qui sont retournés en forêt pendant les périodes de confinement qui n’offraient quasiment aucune autre alternative. Une étude menée aux Pays-Bas a montré que les personnes confinées à moins de 800 mètres d’espaces verts avaient eu moins de symptômes de dépression pendant la crise sanitaire que les autres. Avoir un espace vert à soi permettrait même de réduire l’usage des médicaments. Un hôpital psychiatrique situé dans un parc présente moins de patients violents. Les pays nordiques construisent d’ailleurs désormais des hôpitaux en forêt. Nolwenn qui accepte volontiers d’être un peu comme une nouvelle sorcière s’arrête au milieu d’une clairière. “Nous, les guides, sommes souvent des femmes alors que la gestion forestière est majoritairement un milieu d’hommes.” Elle plaide au passage pour réensauvager les villes en plantant des arbres même si cela prend des places de parking. “Augmenter le taux de nature permet de créer du lien social et d’apaiser les tensions. Il est prouvé qu’il y a moins de crimes là où il y a de la verdure. Pendant 350.000 ans, les humains ont vécu dans la nature. Cela ne fait que deux siècles qu’on en est coupé. Et depuis qu’on l’a quittée, on est malades.



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