Le passage en première primaire est toujours une étape synonyme de découvertes et de nouveaux apprentissages. Dans l’école communale de Bornival, à Nivelles, elle rime aussi avec Didier et Valérie car, quand on va chez Madame Fabienne et Madame Marie-Julie, on se rend aux Paniers Verts. Une activité que les enfants attendent toujours avec impatience.
Chez Didier et Valérie, les enfants de l’école communale de Bornival ont leur propre parcelle où ils plantent ce qu’ils ont semé et finissent par récolter le fruit de leur travail.
Un lundi sur deux, quelle que soit la saison, mon fils se rend avec ses institutrices et ses copains de classe chez Valérie Torton et Didier Crick, aux Paniers Verts, il en revient toujours la bouche pleine d’anecdotes et d’astuces à transposer à la maison…
Des fleurs aux paniers de légumes
Si Valérie aime ouvrir la porte de son exploitation aux élèves de Bornival, c’est sans doute car elle aussi a mis ses petites mains dans la terre dès le plus jeune âge. « J’ai grandi à Bornival et je passais beaucoup de temps dans l’exploitation horticole de mes grands-parents alors spécialisée en floriculture. Les semis, repiquages et travaux de la terre ont bercé mon enfance. Après un graduat en horticulture à Gembloux, c’est assez naturellement que j’ai repris leur entreprise », explique Valérie.
Elle poursuit l’exploitation telle quelle durant quelques années. Puis, un jour, un cousin en quête de changement la rejoint dans le métier. « À l’époque, la ferme est toujours en horticulture ornementale. Nous avions un potager mais il était anecdotique. Notre collaboration débouche sur de nombreux échanges et réflexions et, on prend conscience que la floriculture n’a plus beaucoup d’avenir à notre échelle. On pense alors à proposer des légumes et on s’intéresse au maraîchage biologique ». Ainsi, le duo finit par installer le maraîchage dans toute l’exploitation dès 2004 et il la convertit à l’agriculture biologique en 2007.
« Néanmoins, nous nous sommes vite rendu compte que le magasin seul ne pouvait nous faire vivre tous les deux. Notre situation n’était pas avantageuse pour le commerce, nous sommes dans un petit village, loin d’une route fréquentée. On devait envisager des solutions pour attirer les clients jusque chez nous. Nous est alors venu l’idée de vendre nos légumes sous forme de paniers. Le concept se développait en France mais était encore peu répandu en Belgique à l’époque ».
La ferme devient alors les Paniers Verts et le système rencontre un franc succès. « Le concept a plu et notre système s’est fortement développé avec des livraisons partout en Wallonie et à Bruxelles. À un moment, on arrivait à faire 900 paniers par semaine. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés à ne plus faire que de la logistique et de la distribution. Nous n’avions plus de temps pour cultiver nos produits et travaillions avec d’autres maraîchers. Nous avions perdu le sens de ce que nous voulions faire : vendre nos légumes de saison à nos clients. Le concept s’est aussi un peu fané et la vente en ligne s’en est mêlée. Mon collègue a décidé de quitter l’aventure et le système de paniers a été revendu à eFarmz ».
Retrouver le plaisir de cultiver !
Un tournant qui a permis à Valérie de retrouver le but premier de son métier : la culture. « La vente du système de paniers a permis de relever la ferme et de remettre en place du maraîchage biologique diversifié. Entre-temps, mon mari, Didier s’est joint au projet et a également mis beaucoup d’énergie à remettre tout cela en place. Outre les légumes, nous avons commencé à proposer des jeunes plants à la vente, et plus particulièrement des plants de tomates, fruit auquel nous vouons une grande passion et qui est véritablement devenu la star de la ferme. Nous possédons une collection de 180 variétés différentes que nous reproduisons chaque année et proposons à la vente au printemps, ainsi que d’autres jeunes plants d’intérêts comestible ou mellifère ».
Des légumes et des jeunes plants pour le potager
La soixantaine de légumes cultivés aux Paniers Verts est disponible toute l’année, les vendredis et samedi, au magasin de la ferme. Mais, l’événement à ne pas rater est la vente des plants de tomates et autres légumes qui a débuté ce mardi 25 avril et se poursuivra jusqu’au 13 mai, du mardi au samedi. De la tomate cerise, aux fruits aux couleurs et formes originales, tout amateur trouvera sans aucun doute la perle rare parmi les 5.500 plants proposés à la vente. D’autant plus que Didier et Valérie ne sont jamais avares d’explications et démonstrations en la matière. « Lorsque le magasin est ouvert, le jardin l’est également et si nous avons le temps, nous sommes toujours heureux de nous rendre disponibles pour une visite ou des explications. Pour nous, c’est un bonheur de proposer des curiosités à nos clients et de les orienter vers les plants de tomates qui leur conviennent le mieux et, évidemment, c’est aussi une rentrée importante qui contribue largement au bon fonctionnement de la ferme. ».
L’une des passions de Didier et Valérie, ce sont les tomates. Ils possèdent une collection de 180 variétés, multipliées et proposées à la vente sous forme de plants au printemps, ou fruit durant l’été. – D.J.
Un peu de pédagogie à la ferme
Leur temps, Didier et Valérie le consacrent également aux élèves de l’école communale de Bornival et à leur initiation aux joies du potager. L’accueil à la ferme est né de la sollicitation des professeurs des première et deuxième primaire de l’école. « Madame Lebon et Madame Lambotte souhaitaient postuler pour un projet d’intérêt éducatif et écologique lancé par la Région et elles nous avaient proposé de nous y intégrer dans le cadre d’un atelier jardinage. L’idée nous a plu et nous avions volontiers accepté. Malheureusement, pour diverses raisons, le projet n’a pas abouti. Mais, nous avons décidé de le faire quand même. Nous ne souhaitions pas être rétribués pour cette collaboration, il n’y avait donc pas de frein à ce niveau ».
Cette visite bimensuelle à la ferme, Didier et Valérie la voient comme un cadeau fait aux enfants et une participation logique à la vie du village. « L’idée n’était pas d’avoir une nouvelle diversification ou de faire de la pédagogie officielle mais de donner aux enfants de l’école de notre village l’occasion d’expérimenter les mécanismes de la nature en vrai. Nous avons l’espace et les outils, les professeures amènent le matériel scolaire nécessaire et sont accompagnées d’autres membres de l’équipe pédagogique si cela est nécessaire. Cela ne nous nécessite pas vraiment de frais supplémentaire, de plus, ça nous laisse indépendants de toute autorité ou subvention, ce qui n’est pas plus mal. Après, nous avons bien conscience que toutes les écoles ne peuvent pas monter ce genre de projet sans aide mais, si c’est possible, pourquoi ne pas le faire. On peut toujours espérer que cela donne des idées à d’autres professionnels du secteur ».
Un calendrier qui colle aux enfants comme aux saisons
Ainsi, le lundi après-midi, une petite trentaine d’élèves prend le chemin des Paniers Verts. « Le trajet du début d’année prend toujours un peu plus de temps car les premières découvrent cette nouvelle activité et doivent prendre leurs marques. C’est l’un des apprentissages qu’offre aussi cette sortie », explique Madame Marie-Julie. Sur place, l’activité dure un peu plus d’une heure : « On fixe le calendrier en collaboration avec les professeurs, en fonction du rythme scolaire et de notre emploi du temps. Les activités sont fonction des saisons mais aussi de la météo. On essaie de leur donner la possibilité de mettre la main à toutes les étapes de développement des plantes, cela va du semis, au repiquage, à la mise en pot ou terre, ou encore la récolte, la reconnaissance des différents légumes et le goûter de ceux-ci. À cet âge, ils n’ont aucun problème à grignoter des feuilles ou mettre le nez sur une plante », détaille Valérie. « Il y a aussi les activités phares dont on ne soupçonne pas toujours le succès mais qui font un tabac. L’année passée, les enfants nous ont aidés à récolter les pommes de terre, ils ont adoré et nous ont même donné un coup de main du coup. Les bombes à graines et les récoltes des fraises sont aussi fortement appréciées. Ce sont parfois les activités qui demandent le moins de préparation qui plaisent le plus. ».
Un cours d’éveil appliqué
Les exploitants comme les institutrices sont unanimes : « Cette sortie, c’est l’occasion de faire découvrir autre chose aux enfants. Ils ont l’âge idéal. Ils sont curieux de tout et absorbent l’information comme des éponges. Ils sont déjà capables de faire des petits gestes qui demandent de la précision et de la concentration. De plus, les activités réalisées aux Paniers Verts sont en lien total avec le programme : les saisons, le temps qui passe, les notions de vivant et non vivant… Une graine, ça a l’air mort mais ce n’est pas le cas ! On retrouve un jardin tout à fait différent après les vacances… Un cours d’éveil appliqué en somme », expliquent les enseignantes.
« Avec peu de moyens et un peu de temps, il est possible de monter une activité intéressante pour les enfants ».
La combinaison des deux années est aussi un atout, comme le constate Valérie : « C’est une bonne chose que les deux années viennent ensemble car les deuxièmes aident les plus jeunes. Il y a un esprit de collaboration qui se met en place. Il y a ceux qui savent et ont déjà fait. C’est encore mieux quand c’est un enfant qui explique à un autre enfant. Après, certains sont plus réceptifs que d’autres mais ils auront au moins eu l’occasion de tester et voir de près. Ça laissera une trace et on aura distillé quelques semences de proximité avec la nature ».
Des personnes référentes et un suivi à long terme
Si la collaboration est une réussite, c’est aussi car l’équipe pédagogique comme les exploitants sont 100 % impliqués. « Lors des rencontres, les enfants sont vraiment bien encadrés et on peut leur consacrer du temps. Nous ne sommes pas un professeur pour 30 enfants. La structure de notre école est vraiment parfaite pour la mise en œuvre de ce genre d’activités ». Et Valérie d’ajouter, « Pour que ce genre de projet perdure dans le temps, il est aussi nécessaire d’avoir des personnes référentes dans l’école. Cela demande un bon suivi. On ne se contente pas de ce qui est le plus amusant. On est là tout au long de l’année, pas juste quand il fait beau. On montre ainsi aux enfants que la nature ne s’arrête pas. Il faut parfois un peu se bousculer. C’est donc bien d’avoir des institutrices qui font office de locomotives ».
Entre semis, repiquage, récolte ou activités plus ludiques… les enfants ont l’occasion de visualiser toutes les étapes de l’évolution d’une plante. – D.J.
Les Paniers Verts, aussi à la maison et à l’école
Et parfois, les Paniers Verts s’invitent aussi à l’école ou à la maison. En effet, les enfants emportent souvent les fruits de leur récolte : « On a la chance de pouvoir cuisiner à l’école. C’est une belle expérience pour les enfants qui bouclent alors la boucle. Des salades, du coulis de fraises, des chicons au gratin… On teste, on goûte… Ce n’est pas toujours une réussite mais, avec le temps, ça finit parfois par plaire », expliquent les professeures. Les enfants reprennent également leurs petits semis ou jeunes plants : « Ça leur permet de continuer à s’en occuper à la maison pendant les congés ».
Pour Didier et Valérie, leur plus grand plaisir est de constater l’enthousiasme des enfants et de voir qu’ils accrochent à cette idée de produire soi-même et d’être capable d’en tirer quelque chose de sain. « Leur présence est aussi un vent de fraîcheur. Nous avons la cinquantaine tous les deux, pas d’enfants et des idées bien ancrées. Ça fait du bien de voir ces enfants débarquer avec toute leur spontanéité et leur vivacité. Ils nous donnent parfois de bonnes claques, nous soufflent de nouvelles idées ou nous indiquent un nouvel angle d’observation ».
Le projet existe depuis plus de 4 ans. L’équipe pédagogique comme les exploitants y sont impliqués à 100%.
Un lundi sur deux, quelle que soit la saison, mon fils se rend avec ses institutrices et ses copains de classe aux Paniers Verts. Il a beau être fils, petit-fils d’agriculteurs et enfant de la terre, il en revient toujours la bouche pleine d’anecdotes et d’astuces à transposer à la maison… C’est dire si ce genre d’initiative et d’ouverture au monde scolaire sont profitables à nos enfants et gagnent à être développées, pour qu’ils prennent conscience du monde et des réalités qui les entourent. De plus, un vent de fraîcheur dans nos fermes, c’est toujours bénéfique, même s’il n’est qu’occasionnel.
D. Jaunard