Par Jean-Claude Hennuy 10 juin 2022
Le Centre de Recherches en Agriculture Urbaine de Gembloux passe à l’aquaponie 2.0 !
L’aquaponie, c’est un écosystème qui permet de produire légumes et poissons, en un seul et même lieu, en consommant peu d’eau et peu d’énergie. Ce modèle compact s’adresse tant aux particuliers qu’aux entreprises et à l’Horeca.
Pour mieux expliquer et mieux gérer cette technique, des chercheurs de Gembloux Agro-Bio Tech ULiège viennent de finaliser le développement d’une application (Smart Aquaponics). L’outil digital permettra de s’initier aux bonnes pratiques de l’aquaponie, de mieux gérer le dispositif et d’améliorer le dispositif éprouvé par les utilisateurs.
Un vieux concept versus 2.0
L’aquaponie est un concept ancien. Mais cette technique chère aux Aztèques peut être une solution innovante pour assurer la sécurité alimentaire dans le futur, de manière durable, surtout dans les villes où les terres cultivables sont rares. Le professeur Haissam Jijakli, coordonne le projet : « Dans ce système dual avec l’eau comme vecteur, on cultive des plantes et on élève des poissons. Mais on oublie souvent le troisième protagoniste : les bactéries. Elles transforment les déjections de poissons en éléments nutritifs absorbables par les plantes ». Bien qu’ancienne, la formule connaît un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années. La forte croissance de la population mondiale et l’exode urbain expliquent une bonne part de l’intérêt pour ce mode de production alimentaire autonome. Avec l’aide des nouvelles technologies, son apprentissage, son utilisation, son adaptabilité et ses capacités évolutives laissent entrevoir de belles perspectives en matière de production alimentaire alternative pour le futur.
De la laitue aux esturgeons
Peu gourmand en eau, ce système compact fait pousser les plantes hors-sol. Leurs racines ne sont pas en terre. Les plantes ont véritablement les pieds dans l’eau. Mais hors sol, les salades, épinards, tomates, concombres et autres poivrons auront-ils vraiment du goût ?
« C’est la question qu’on me pose souvent ! » souligne le professeur Jijakli. « Mais le goût relève d’autres paramètres, comme la génétique, les conditions environnementales, la date de récolte de la plante. Donc, que ce soit en pleine terre ou hors sol, si on ne récolte pas au bon moment, alors on a raté l’objectif du goût ». Pour ce qui concerne l’élevage de poissons, le concept va du poisson rouge à l’esturgeon en passant par la truite ou la carpe.
Une appli-booster
En Belgique, l’utilisation de l’aquaponie est encore très timide. Mais le mouvement est lancé. A ce jour, il existe 13 entreprises professionnelles d’aquaponie en cours de développement. En Wallonie, une ferme de la province de Liège a déjà une longueur d’avance dans ce domaine. Mais le décollage au niveau belge reste encore assez lent.
A l’ère du digital, les chercheurs ont développé une application pour booster l’aquaponie en France et en Belgique. Sur smartphone, ou via son équivalent sur PC, l’application du projet « Smart Aquaponics » devrait sensibiliser particuliers, associations, écoles, établissements Horeca et entreprises à se lancer dans ce type de production alimentaire écologique, locale et peu énergivore.
« La recherche est bien avancée chez nous, mais l’élevage wallon de poissons reste très réduit », commente Bertrand Hoc, chargé de mission pour la filière aquacole au Collège des producteurs. « Mais je pense qu’il faut proposer ce système à nos producteurs et voir comment ils peuvent l’adopter, comme production complémentaire à l’élevage traditionnel de truites, notamment ». En Wallonie, l’écrasante majorité des poissons consommés chez nous sont importés. « A terme, ce sera sans doute un moyen d’augmenter nos productions en circuit local », précise Bertrand, dont la mission est aussi de prendre en compte les différents intérêts dont ceux des pouvoirs publics et économiques.
Le projet est soutenu notamment par l’Europe et la Région wallonne.
Infos sur le site https ://www.gembloux.ulg.ac.be