Les insectes pollinisateurs aussi ont besoin de manger « équilibré ».
L’UCLouvain a lancé une recherche pour contrer le déclin du nombre et de la diversité des pollinisateurs.
Guillaume Laasman L’Avenir 04-08-2022
Bourdon en train de butiner sur une bruyère commune. Il ira butiner sur d’autres fleurs pour fournir à la colonie une variété de nutriments. ©LAURA MOQUET
Une équipe de scientifiques et d’étudiants de l’UCLouvain collecte le pollen de plus d’une centaine d’espèces de plantes à fleurs et en étudie la composition chimique.
Dirigée par Anne-Laure Jacquemart, professeure à la Faculté des bio-ingénieurs et chercheuse au Earth and Life Institute, l’étude a débuté en 2020.
L’hypothèse: toutes les espèces de fleurs n’offrent pas les mêmes ressources alimentaires aux insectes pollinisateurs, la valeur nutritionnelle des pollens varie. Ainsi, un pollinisateur – abeilles et bourdons dans le cas de l’étude – collectera différents pollens pour procurer à la colonie et aux larves un régime alimentaire équilibré, et en assurer la survie. « Il faut un certain nombre d’espèces de plantes à fleurs différentes pour assurer une bonne santé des pollinisateurs, de l’individu à la colonie, il faut aussi que cette diversité puisse s’adapter à tout type d’environnement. Que l’on soit en ville, en milieu agricole ou en forêt, il doit y avoir un ensemble d’espèces de fleurs qui permet un équilibre nutritionnel, et c’est parce qu’il y a un équilibre nutritionnel que l’on va pouvoir maintenir des populations ou des espèces de pollinisateurs en nombre et en diversité », explique Anne-Laure Jacquemart.
La recherche est motivée par un constat qui ne date pas d’hier: le nombre et la variété des insectes pollinisateurs sont en régression depuis des années. De nombreuses études montrent que 87 % des plantes à fleurs dont 75 % des espèces cultivées dépendent justement de ces insectes pour leur pollinisation et leurs mises à fruits et à graines. Cette diminution n’est pas sans conséquence, puisque la production de graines des plantes à fleurs sauvages et cultivées diminue aussi, ce qui peut mettre en danger certaines espèces sauvages.
« Il faut arrêter de tondre les pelouses à ras, et laisser revenir de la végétation spontanée »
En étudiant les différents pollens et leur composition chimique, cette recherche vise à déterminer quelles espèces de fleurs correspondent le mieux aux besoins nutritionnels des insectes pollinisateurs, et ainsi proposer des aménagements du territoire adaptés à mettre en œuvre. « Il faut arrêter de bétonner, arrêter de supprimer des espaces verts, arrêter de tondre les pelouses à ras, il faut laisser revenir de la végétation spontanée. Ne cherchons pas nécessairement ce qui est joli à nos yeux, mais ce qui peut être utile pour la biodiversité et pour nous« .
La recherche, locale au départ, s’est désormais étendue à l’étranger. L’équipe compte des collecteurs de pollen en France, en Suisse, et au Grand-Duché de Luxembourg.
Une recherche coordonnée par « science participative »
Pour mener à bien sa collecte de pollen, l’équipe procède par « science participative », c’est-à-dire que tout un chacun peut bénévolement récolter des fleurs et leur pollen pour la recherche.
Vous avez chez vous des plantes à fleurs qui intéressent l’équipe de scientifiques et vous souhaitez participer à la recherche? Vous pouvez contacter le laboratoire, donner vos coordonnées, et ce dernier vous enverra le matériel et la documentation nécessaire pour collecter correctement le pollen de vos fleurs. « Quand on reçoit une demande, on envoie du matériel. On envoie tout un protocole avec des photos pour montrer comment on fait sur tel type de fleurs, comment il faut sécher, comment on récolte, comment on fait ci, comment on fait ça… Tout est envoyé d’office », explique Anne-Laure Jacquemart. Une fois le pollen de vos fleurs récolté, il ne vous restera plus qu’à renvoyer le matériel et votre collecte au laboratoire.
La collecte a démarré il y a deux ans et l’appel aux bénévoles « fonctionne franchement bien. Le summum, c’était en 2020. Tout le monde avait envie de faire quelque chose. Ça répond peut-être à un besoin de la société. Les gens se sentent utiles à leur échelle. Ça a l’air de pas grand-chose, mais ils se disent qu’ils participent à quelque chose, que ce qu’ils font n’a pas l’air très utile dans l’immédiat, mais qu’au moins ils ne le font pas à perte ».
Contact:
Anne-Laure Jacquemart (010 47 34 49, anne-laure.jacquemart@uclouvain.be),
Christel Buyens (010 47 34 11, christel.buyens@uclouvain.be),
Léna Jeannerod (010 47 34 31, lena.jeannerod@uclouvain.be).